Tribune : La révolution néoconservatrice à la française, par Corinne Lepage

Publié le par evergreenstate

La « révolution néoconservatrice » à la française engagée par le président de la République visait à nous rapprocher du modèle ultra-libéral, aujourd’hui déchu, rappelle Corinne Lepage. Or, si la France résiste plutôt mieux aux conséquences de la crise, c’est justement parce qu’elle n’a pas entièrement renoncé aux fondements du pacte républicain : rôle de l’Etat, importance des service publics, politiques de redistribution, qui sont autant de stabilisateurs, garants de la cohésion sociale. Refuser de remettre en cause les mesures prises au début de son mandat, inspirées du système Anglo-Saxon, est « doublement suicidaire pour notre économie et au-delà notre système social, » juge-t-elle.



Par Corinne Lepage, 18 mai 2009


La volonté réaffirmée de maintenir le cap des réformes dites libérales procède d’une double erreur, globale et nationale.


D’une part, l’erreur de croire que ce serait les réformes engagées depuis deux ans qui permettraient à la France de subir moins brutalement que les autres pays industrialisés et notamment européens les effets de la crise actuelle. C’est évidemment faux. D’une part, en réalité, peu de réformes profondes ont été engagée si ce n’est celle de la réforme des heures supplémentaires et du temps de travail qui en réalité aggrave le chômage, conduisant les entreprises à augmenter les heures supplémentaires plutôt qu’à embaucher, si elles sont, ce qui est rare aujourd’hui, un surcroît de travail. D’autre part, c’est précisément le modèle social français, c’est-à-dire ce que le gouvernement n’est pas arrivé à détruire - qui a permis ce résultat. En effet, le système de protection sociale fonctionne encore, le poids de la fonction publique est important , enfin, le taux d’endettement est très inférieur à celui des pays anglo-saxons.

Dès lors, même si le surendettement des ménages a considérablement augmenté, il n’atteint pas et de loin les proportions de l’endettement américain d’où une consommation moins réduite même si le niveau moyen des salaires en France est désormais en dessous de la moyenne européenne. En conséquence, non seulement ce ne sont pas lés réformes récentes qui expliquent la meilleure résistance française, mais encore c’est précisément le modèle auquel elles prétendaient s’attaquer qui l’ont permise.


D’autre part, il est pour le moins paradoxal, voire insane de vouloir choisir un modèle au moment même où ceux qui ont fait ce choix, décident d’en sortir. En effet comment imaginer vouloir réduire le poids de l’Etat, accroitre le modèle inégalitaire et libéraliser au moment où le système financier a du faire appel aux Etats pour ne pas sombrer, où les mouvements sociaux réclamant une meilleure répartition de la richesses se multiplient et où l’incapacité du marché à s’auto-organiser a été démontrée. Non seulement nous avons une guerre de retard, mais de surcroît risquons une fois encore d’agir à contretemps nous privant ainsi des avantages et de l’avance que nous donnent notre système.

En particulier, le dogme du bouclier fiscal et d’une politique volontairement inégalitaire (en particulier en refusant de s’attaquer à la question des suppléments de rémunération des dirigeants) est doublement suicidaire pour notre économie et au-delà notre système social.


 D’une part, le renforcement du pouvoir d’achat des classes moyennes est indispensable si l’objectif est de maintenir un niveau de consommation, ce qui ne dispense évidemment pas d’orienter cette consommation vers une économie soutenable. C’est un débat essentiel mais complémentaire du présent propos. En effet à partir du moment où la substitution du crédit à l’augmentation des salaires fait partie du passé, seule la réduction des inégalités peut asseoir le développement. P.Artus évalue à 3% le niveau de dépenses des ménages en France contre 9% en Grande Bretagne, 5,7% aux Etats-Unis et 10% en Espagne. Nous avons donc un atout majeur qui doit être renforcé et non détruitD’autre part, cette politique, qui tourne le dos à notre pacte commun, attise la violence et la frustration à u n moment où la solidarité devrait précisément progresser.

Enfin cette libéralisation dogmatique est à géométrie extrêmement variable. Elle n’exclut pas les aides aux grands de l’automobile mais oublie les aides aux sous traitants (moins de 5% de l’enveloppe), elle finance le nucléaire mais n’investit quasiment pas dans les renouvelables et l’efficacité énergétique. Elle sauve les banques sans contrepartie, joue au mécano structurel des établissements sans oublier de nommer les responsables qui devraient l’être par les établissements eux même, mais s’attaque à l’université et demain à la santé et s’arrange pour supprimer les règles de concurrence dans les marchés publics, dans la limite extrême de ce que tolère les seuils européens.


En réalité, la révolution néoconservatrice à la française ne consiste-t-elle pas à conforter dans notre pays les facteurs qui ont précisément eu les conséquences les plus tragiques pour les nations qui y ont été les plus exposées en refusant de surcroit d’investir
dans les secteurs qui sont les plus porteurs pour sortir des crises : les hommes (éducation et santé) et l’économie verte.

Sommes nous vraiment condamnés à subir des erreurs historiques à répétition ?


http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2729

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