Les scientifiques interrogés par le Guardian ne croient plus tenable l’objectif des 2°C de réchauffement

Publié le par evergreenstate

 
 
Les scientifiques interrogés par le Guardian ne croient plus tenable l’objectif des 2°C de réchauffement
14 avril 2009

Le Guardian a interrogé les spécialistes du climat réunis à l’occasion de la conférence de Copenhague. Sur les 261 réponses reçues, 86% des sondés estiment que l’objectif des 2°C de réchauffement que s’est fixé la communauté internationale ne sera pas respecté, bien que 60% pensent que les moyens techniques et économiques qui permettraient d’y parvenir soient à notre disposition. Ils sont 39% à juger cet objectif d’ores et déjà hors d’atteinte.

Par David Adam, The Guardian, 14 avril 2009

Près de neuf scientifiques du climat sur dix ne croient pas que les efforts visant à limiter à 2°C le réchauffement de la planète seront couronnés de succès, révèle un sondage réalisé par le Guardian. Une hausse moyenne de 4-5°C d’ici la fin de ce siècle est plus probable, disent-ils, compte tenu de la montée en flèche des émissions de carbone et des obstacles rencontrés au plan politique.

Une telle transformation du climat désorganiserait l’approvisionnement en alimentation et en eau, entraînerait la disparition de milliers d’espèces de plantes et d’animaux et déclencherait une augmentation très importante du niveau des mers qui inonderait les habitations de centaines de millions de personnes.

Ce sondage réalisé auprès des scientifiques qui suivent de plus près le réchauffement de la planète révèle que le fossé s’élargit sur le problème des changements climatiques entre le discours des politiques et l’avis des scientifiques. Alors que les responsables politiques et les militants écologiques mettent en avant l’objectif des 2°C, 86% des experts ont déclaré lors de cette enquête qu’ils ne pensaient pas qu’il serait atteint. Continuer à mettre l’accent sur la cible irréaliste des 2°C pourrait même à terme compromettre les efforts indispensables pour s’adapter aux inévitables hausses de température au delà de cette valeur dans les décennies à venir, mettent-ils en garde.

L’enquête fait suite à la conférence scientifique qui s’est déroulée le mois dernier à Copenhague, où plusieurs études qui ont été présentées indiquent que le réchauffement climatique pourrait frapper plus fort et plus rapidement que prévu.

The Guardian a contacté les 1756 personnes qui s’étaient inscrites pour assister à cette conférence et leur a demandé leur avis sur le cours probable du réchauffement de la planète. Sur les 261 experts qui ont répondu, 200 sont des chercheurs en science du climat et dans les domaines connexes. Les autres étaient issus de l’industrie ou avaient travaillé dans des domaines tels que l’économie et les sciences sociales et politiques.

Les 261 personnes qui ont répondu représentent 26 pays et parmi elles se trouvent des dizaines de personnalités, y compris des directeurs de laboratoires de recherche, des responsables de départements universitaires et des auteurs du rapport 2007 du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du climat (GIEC).

Les experts ont été interrogés pour savoir s’ils pensaient que l’objectif des 2°C pouvait encore être atteint, et si cela serait le cas. 60% des répondants ont estimé qu’en théorie il est encore techniquement et économiquement possible d’atteindre cet objectif. La température moyenne a déjà augmenté d’environ 0,8°C, et une élévation supplémentaire de l’ordre de 0,5°C est inévitable au cours des prochaines décennies, compte tenu des émissions de gaz à effet de serre qui ont déjà eu lieu. Mais 39% ont déclaré que la cible des 2°C était impossible à atteindre.

Ce sondage intervient alors que s’accélèrent aux Nations Unies les négociations en vue d’un nouvel accord international visant à réglementer les émissions de carbone, en prévision de l’important sommet qui se tiendra à Copenhague en décembre. Les délégués vont tenter de se mettre d’accord sur un traité prenant la suite du protocole de Kyoto, dont la première phase expire en 2012. L’objectif des 2°C a peu de chances de figurer dans un nouveau traité, mais la plupart des réductions des émissions de carbone proposées pour les pays riches se basent sur cette valeur. Bob Watson, conseiller scientifique en chef auprès du ministère de l’environnement britannique, avait déclaré au Guardian l’année dernière que la communauté internationale devait concentrer ses efforts sur la cible des 2°C, mais devrait également se préparer à une hausse éventuelle de 4°C.

Interrogés pour savoir quelle élévation de température leur semblait la plus probable, 84 des 182 spécialistes (46%) qui ont répondu à cette question ont considéré qu’elle atteindrait 3-4°C d’ici la fin du siècle, 47 (26%) suggèrent une hausse de 2-3°C, tandis qu’un poignée opte pour 6°C ou plus. Alors qu’ils sont 24 à prévoir une augmentation catastrophique de 4-5°C, seulement 18 d’entre eux pensent qu’elle devrait être de 2°C ou moins.

Certaines des personnes interrogées qui ont déclaré que la cible des 2°C serait atteinte ont avoué qu’elles le faisaient plus par espoir, plutôt que par conviction. « En tant que mère de jeunes enfants, je choisis de croire cela, et travaille dur dans cette direction », nous a déclaré l’une d’entre elles.

« Cet optimisme n’est pas du principalement à des faits scientifiques, mais à l’espoir », indique un autre sondé. Certains ont déclaré qu’ils pensaient que des mesures du type géo-ingénierie, telles que des semis de fer dans l’océan afin d’encourager la croissance du plancton, permettraient de réaliser cet objectif.

De nombreux experts ont souligné que l’incapacité à atteindre cette cible ne signifiait pas que les efforts visant à lutter contre le réchauffement de la planète devraient être abandonnés, mais que l’accent devrait être mis désormais sur la limitation des dommages induits.

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