La Bretagne, terre de nitrates depuis 40 ans,Par Catherine Gouëset

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La Bretagne, terre de nitrates depuis 40 ans

Par Catherine Gouëset, publié le 11/08/2009 17:20 - mis à jour le 20/08/2009 10:13



Le taux élevé de nitrates dans les rivières -dû à l'élevage intensif et aux engrais- est responsable de la prolifération des algues en Bretagne. Depuis près de quarante ans, les défenseurs de l'environnement font face aux lobbies agricoles et aux hésitations de l'Etat. Notre chronologie d'un dossier bien ensablé...

La filière agricole bretonne représente 7 % de la surface agricole française, mais 50 % des élevages de porcs, 50 % des élevages de volailles et 30 % des bovins. En Bretagne, le taux moyen de nitrates dans l'eau s'élève à 35 mg/l, mais il y a des rivières où ce taux atteint 80 mg/l, alors que la norme de 50 mg/l est déjà considérée comme trop élevée par les défenseurs de l'environnement. Rappel des principaux épisodes de cette guerre de l'eau bretonne.

1969: naissance de l'Association Pour la protection du saumon en Bretagne (qui deviendra Eau et rivières de Bretagne); elle alerte les autorités publiques sur l'augmentation des nitrates (du fait de l'utilisation d'engrais chimiques et de l'épandage de déjections animales provenant de l'élevage intensif hors sol).

Années 1970: début de la prolifération des algues vertes sur les côtes bretonnes, vraisemblablement provoquée par cet excès de nitrates.

1975: adoption de la directive européenne pour la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire. Elle exige que les eaux de captage ne contiennent pas plus de 50 mg de nitrates par litre. La France a jusqu'en 1987 pour atteindre ce niveau.

1990: début du programme Bretagne eau pure, à l'initiative du Conseil régional de Bretagne.

1991: directive européenne concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

1992-1993: l'association Eau et rivières de Bretagne dépose une plainte auprès de la Commission européenne pour la non application de la directive de 1991.

Novembre 1993: la Commission européenne adresse au gouvernement une mise en demeure de respecter la directive sur les nitrates.

Septembre 1994: classement de l'ensemble de la Bretagne en zone vulnérable au titre de la directive nitrates.

Juillet 1999: un ramasseur d'algues tombe dans le coma; on soupçonnera plus tard l'hydrogène sulfuré produit par la décomposition des algues.

Octobre 2000: la France adopte une directive européenne sur l'eau aux termes de laquelle elle doit atteindre en 2015 un "bon état écologique" de ses rivières, de ses lacs et de ses eaux littorales.

8 mars 2001: la Cour de justice européenne déclare que la France a enfreint la directive sur la qualité des eaux de surface; 37 points de captage dépassent la norme de 50 mg/l de nitrates.

Mai 2001: condamnation de l'Etat par le tribunal administratif de Rennes à la demande de la Lyonnaise des eaux pour manque de vigilance à l'égard des pratiques agricoles polluantes. Poursuivi par des consommateurs protestant contre la mauvaise qualité de l'eau, le distributeur, condamné à verser 251 000 francs aux plaignants, se retourne contre l'Etat.

Février 2002: lancement d'un plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture et de l'agro-alimentaire et pour la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne.

27 juin 2002: arrêt de la Cour de justice européenne condamnant la France pour non-respect de la directive de 1991 sur la protection des eaux contre la pollution par les nitrates.

Avril 2003: la Commission européenne adresse à la France un avis motivé lui enjoignant d'adopter toutes les mesures d'exécution de l'arrêt de 2001.

Juin 2003: publication d'un rapport de l'Ifremer sur la responsabilité des nitrates dans la prolifération des algues vertes.

Décembre 2003: transmission à la Commission européenne du plan d'action organique "reconquête de la qualité des eaux superficielles en Bretagne".

Février 2004: Eaux et rivières et trois autres associations portent plainte contre l'Etat qui, selon elles, ferme les yeux sur les élevages dont le nombre de têtes grossit clandestinement et ne contrôle pas le respect des normes d'épandage du lisier par les exploitants.

Mai 2005: publication au Journal officiel d'un décret autorisant l'extension des élevages industriels dans les zones d'excédent structurel d'azote lié aux élevages (ZES), c'est-à-dire les 140 cantons français (dont 104 en Bretagne) dont les sols sont surchargés en azote et en phosphore qui polluent les eaux superficielles et souterraines.

Juillet 2005: la Commission européenne adresse à la France un avis complémentaire, la directive de 1975 n'étant toujours pas appliquée sur 15 rivières.

Juin 2006: le projet de loi sur l'eau présenté aux députés est vidé de sa substance après plusieurs années de lobbying des principaux syndicats agricoles; le principe "pollueur-payeur" est abandonné.

Août 2006: un rapport d'évaluation sur la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne publié par la Direction régionale de l'environnement souligne que pour plus de 20 % des analyses effectuées, le taux de nitrates est toujours supérieur à la norme.
La Bretagne, terre de nitrates depuis 40 ans

Février-mars 2007: manifestations agricoles contre les mesures proposées  par la préfecture (limitation de la fertilisation azotée sur 9 bassins et réduction des cheptels); les locaux brestois d'Eau et rivières sont saccagés.

Mars 2007: Bruxelles renonce à saisir la justice au sujet de la pollution des eaux bretonnes (la France était menacée d'une amende de 28 millions d'euros assortie d'une astreinte journalière de 118 000 euros). Paris s'est engagé à ce que, dans les bassins concernés, la concentration en nitrates ne dépasse plus les normes fin 2009.

Juin 2007: la Commission saisit une nouvelle fois la Cour de justice.

Juillet 2007: le ministre de l'Agriculture annonce un plan de 74,4 millions d'euros pour la mise aux normes de 1800 installations agricoles et la baisse des pollutions dans neuf bassins bretons -sur un total de 37- qui présentent encore des taux de nitrates supérieurs à 50 mg/l. Quatre captages d'eau des rivières les plus polluées seront fermés.

Septembre 2007: nouveau sursis de Bruxelles. La France s'engage à rendre obligatoire, à partir du 1er janvier 2008, le plan "qualité des eaux" initialement basé sur le volontariat.

25 octobre 2007: l'Etat est condamné à verser 2000 euros de dommages et intérêts à Eaux et rivières de Bretagne par le tribunal administratif de Rennes, en raison de sa responsabilité dans la prolifération des algues vertes.

Juillet 2008: deux chiens meurent brutalement, victimes du gaz exhalé par les algues en baie de Saint Brieuc.

Juillet 2009: le Grenelle de l'environnement promet d'accélérer la réduction de l'usage des phosphates et nitrates voire de réduire leur usage de 40 % d'ici à 2012-2014 sur les zones les plus fragiles.

Août 2009: un maire de la région de Lannion interdit à la promenade une partie du littoral de sa commune après la mort d'un cheval, probablement liée à la concentration d'algues vertes.
20 août : au lendemain de la révélation par la presse d'un rapport de l'Institut national de l'environnement et des risques (Ineris) qui confirme la
toxicité des algues vertes, François Fillon annonce la création d'un mission interministérielle.


http://www.lexpress.fr/actualite/environnement/la-bretagne-terre-de-nitrates-depuis-40-ans_779749.html?p=2
 

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