Ecoles d'ingénieurs : la révolution continue

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Ecoles d'ingénieurs : la révolution continue

 

Catherine Golliau et Cyriel Martin

Les écoles d'ingénieurs sont aujourd'hui confrontées au grand vent du large : la mondialisation et ses exigences les frappent de plein fouet. Elles doivent s'internationaliser et imposer leur recherche et leurs diplômés sur la scène mondiale. L'enjeu est de taille et la plupart d'entre elles se sont engagées dans une remise à plat de leurs programmes et ont restructuré leurs diplômes. Rares sont celles qui, comme l'ESPCI (chimie de Paris, 7e de notre palmarès), conservent une formation en quatre ans : la plupart ont essayé de s'adapter au schéma européen LMD (licence en trois ans, master en cinq ans et doctorat en huit ans). Evolution particulièrement frappante dans les écoles post-bac, où l'on ne parle presque plus de « prépa intégrée » : le cursus se partage dorénavant en trois ans de tronc commun et deux ans de spécialisation. Dans le même temps, les programmes se sont ouverts à l'international : depuis notre dernier classement de 2005, nous constatons une forte augmentation des cours de langues et un nombre plus important d'étudiants qui valident des séjours à l'étranger dans leur cursus. Même si toutes ne se sont pas encore dotées de moyens suffisants pour bien accueillir les étudiants étrangers, ceux-ci commencent à prendre plus régulièrement le chemin de leurs campus. Cette révolution, engagée depuis quelques années, ne permet pourtant pas de combler le fossé qui se creuse toujours entre les « grandes », les Mines ou les Ponts, souvent en tête de notre palmarès, et les plus petites, entre les écoles à fort potentiel et les belles endormies, condamnées à plus ou moins brève échéance. Les faits sont là, douloureux : encore une fois, une majorité d'écoles d'ingénieurs n'a pas fait le plein d'étudiants à la rentrée 2005. Quatre mille places seraient restées vacantes, selon la Commission des titres d'ingénieurs (CTI), l'organisme qui autorise les écoles à délivrer ce diplôme. Chiffre sous-estimé, car les écoles ont tendance à maquiller leurs statistiques...

Plusieurs raisons expliquent ce déficit : d'abord, la baisse d'intérêt des étudiants pour les études scientifiques dont souffrent les classes préparatoires aux concours. « Elles ne peuvent pourvoir que la moitié des effectifs », reconnaît-on à la CTI.

Mais les bancs sont d'autant plus vides que le nombre des écoles a augmenté. En quinze ans, 76 écoles ont vu le jour, soit 250 aujourd'hui. Trop pour le marché. L'heure est donc aux expédients. Certaines écoles spécialisées sur des secteurs économiques en perte de vitesse essaient de se vendre comme généralistes. Faux nez qui les oblige à des contorsions étranges. Ainsi, ce directeur d'une école d'électronique post-bac qui n'hésite pas à définir son établissement comme « généraliste dans sa spécialité »... D'autres pratiquent sournoisement la fausse sélection. La CTI déplore ainsi les « oraux de racolage » où c'est l'école qui se vend à l'élève... Plus honnête, mais moins prestigieuse : l'ouverture progressive des concours aux étudiants de niveau bac + 2 (DEUG, DUT, BTS), qui s'accompagne d'une augmentation des admissions parallèles en cours de cursus. En 2006, le groupe Polytech' a ainsi admis autant d'élèves sur concours que sur titre.

Une oeuvre de longue haleine. A plus long terme, des solutions radicales s'imposent. La CTI incite fortement les écoles à se regrouper. C'est ce qu'ont fait 28 établissements entre 1995 et 2005, à l'image des 11 écoles du réseau Polytech', mais aussi de Centrale Marseille (47e de notre palmarès), fruit de la réunion de trois écoles. A Grenoble, une dizaine d'établissements sont lancés dans une fusion très complexe afin de devenir un unique Institut national polytechnique (INP). Beau projet : 5 200 étudiants, 1 150 ingénieurs diplômés par an, et des compétences aussi bien en nanotechnologies, en sciences de l'information qu'en énergie et en matériaux. Reste à savoir comment faire vivre ensemble des écoles qui ont le vent en poupe, comme les spécialistes des télécoms, et celles dont les marchés stagnent...

Rendre le métier d'ingénieur plus attractif ? Une oeuvre de longue haleine. Selon Edouard Brézin, président de l'Académie des sciences, « l'image de la technologie, et plus généralement du progrès, est brouillée en France. Nous sommes le seul pays à avoir un principe de précaution dans sa Constitution, non contrebalancé par un principe de progrès ». L'iPod est dans toutes les poches, mais le nucléaire et les OGM font peur. « Cette ambivalence de la science, alliée à une dégradation des carrières de recherche, favorise les études économiques, où les évolutions professionnelles sont plus rapides », ajoute M. Brézin.

De fait, on observe de plus en plus tôt une mise en concurrence des filières ingénieurs/écoles de commerce. Rebutés par le niveau de mathématiques des classes préparatoires aux écoles d'ingénieurs, de plus en plus de candidats bifurquent en cours de route pour préparer les concours type HEC. Peut-être retrouveront-ils chez Morgan Stanley leurs anciens camarades : les ingénieurs deviennent souvent des analystes financiers de haut vol.

Déficit de communication. Pourtant, le marché de l'emploi leur est particulièrement souriant : deux mois de recherche en moyenne pour trouver un premier emploi en 2006.

Mais les écoles d'ingénieurs recruteraient mieux si elles faisaient l'effort d'être plus lisibles. Nous l'avons souvent écrit dans ces colonnes : contrairement aux écoles de commerce, elles ont trop tendance à vivre sur elles-mêmes, convaincues qu'il vaut mieux faire que dire. Elles peinent encore à valoriser la qualité de leur enseignement comme celle de leur recherche appliquée, souvent très dynamique. Certes, l'Insa Strasbourg a pu communiquer au niveau local sur les drones fabriqués par ses étudiants, ou sur le système de panneau solaire révolutionnaire inventé avec l'aide de ses équipes par un ingénieur Géo Trouvetou. Mais qui le sait ailleurs ? Faute de moyens, beaucoup de connaissances demeurent encore méconnues. Or une bonne communication peut stimuler la recherche et améliorer le recrutement non seulement en France, mais aussi là où se trouvent les viviers de l'avenir, c'est-à-dire à l'international. Là sont les étudiants dont auront besoin demain les multinationales françaises, et peut-être aussi certains des hauts potentiels scientifiques qui peuvent aider la France à conserver sa place sur la scène mondiale. Aujourd'hui, les écoles d'ingénieurs proposent un diplôme difficile à monnayer hors de l'Hexagone et, en prime, elles s'entêtent à porter des noms impossibles, des sigles cabalistiques qu'il faut au moins cinq ans de cursus pour retenir. Ce n'est pourtant peut-être pas un hasard si les Mines, les Ponts, l'X ou Centrale sont réputées à l'étranger. Certes, elles ont de belles compétences, mais elles portent aussi un nom. Or un nom, c'est une marque

Guillaume Délivré, 22 ans, ECE

Lors de sa spécialisation dans les systèmes embarqués, il a fait un stage de six mois dans une start-up. Il vient de créer sa société pour développer un logiciel capable de rendre les réfrigérateurs « intelligents ». Son dilemme : entrer chez Dassault ou jouer la carte de l'entrepreneuriat.

Écoles d'ingénieurs après prépa : les 15 plus professionnalisantes

Combien de temps met en moyenne le jeune ingénieur diplômé pour trouver un premier emploi ? Moins de deux mois. A 31 000 euros brut par an en moyenne. Proches des entreprises, les écoles d'ingénieurs après prépa sont des passeports pour l'emploi. Centrale Paris annonce les plus forts salaires à la sortie, mais, selon nos critères, ce sont Télécom Paris, l'ENST Bretagne et Supélec qui présentent les meilleures formules, celles qui allient l'excellence pédagogique aux bons résultats sur le marché du travail. L'ouverture des écoles à l'apprentissage et à l'alternance est un point fort, qui permet à l'ENSICAEN de faire son entrée dans le top ten C. M.

Écoles d'ingénieurs après prépa : les 15 meilleures à l'international

Les écoles d'ingénieurs sont moins ouvertes à l'international que les écoles de commerce : le nombre de professeurs et d'étudiants étrangers y est moindre et, si les formules de séjours à l'étranger peuvent être attrayantes, en moyenne peu d'élèves sont amenés à en profiter. Dans les écoles post-prépa, les Mines Nancy, Centrale Nantes et l'ENST Bretagne nous semblent celles qui proposent, tous critères confondus, le meilleur dispositif. Les doubles diplômes sont de plus en plus répandus. Centrale Lille offre ainsi la possibilité de passer deux ans à l'étranger dans une université. Mais, sur trois ans de cursus, n'est-ce pas beaucoup ? C. M.

Après bac : vive les universités

L'UTC vole la vedette à l'Insa Lyon ? Soyons justes : à quelques exceptions près, notre palmarès 2007 ressemble comme un cousin germain à celui de 2005. L'Université de technologie de Compiègne s'impose par son dynamisme (recherche de qualité, cours d'ouverture, proximité avec les entreprises) : la démonstration qu'une université (certes, avec un statut particulier) peut rivaliser avec les écoles. Autre preuve, le réseau des UT (Compiègne, Troyes et Belfort-Montbéliard) vient de créer une annexe à Shanghai ! Porte-drapeau du réseau des Insa, l'école de Lyon prend la deuxième place avec un taux d'encadrement remarquable, une recherche appliquée parmi les plus dynamiques. D'une manière générale, les écoles post-bac spécialisées dans l'électronique, l'informatique et la télécommunication bénéficient d'un marché du travail porteur et sont avantagées en termes de salaires et de durée de recherche d'emploi. Une remarque, toutefois : la plupart de ces écoles se targuent d'offrir à leurs étudiants un encadrement particulièrement fourni. Vérification faite, le rapport élèves par professeur est nettement meilleur dans les écoles post-prépa ! Question de moyens ? C. M.

Benjamin Arribe, 23 ans,

En 4e année, il reconstruit à partir de photos avec son camarade Raphaël Yver et les membres du cercle aéronautique de l'école une copie du premier hélicoptère lancé en 1907 par Paul Cornu. Ils ambitionnent de le présenter au Salon du Bourget, en juin. Projet professionnel ? Pilote de ligne.

Ecoles d'ingénieurs après bac : les 15 plus professionnalisantes

Un mois en moyenne pour trouver un premier emploi, 32 000 euros brut environ pour le premier salaire : si les écoles d'ingénieurs post-bac sont rarement destinées à former les PDG du CAC 40, elles n'ont guère à rougir de leurs performances en matière de professionnalisation. En tête, l'Isep, qui surfe sur la vague des télécoms, de l'informatique et de l'électronique, mais aussi une pionnière en matière d'apprentissage, ce qui lui permet d'être numéro un. Derrière elle, sans surprise, viennent l'Insa Lyon et l'Université de technologie de Compiègne, les leaders de notre palmarès après-bacC. M.

Écoles d'ingénieurs après bac : les 15 meilleures à l'international

Classer les écoles d'ingénieurs post-bac à l'international est une gageure : elles sont par nature peu tournées vers l'étranger. « Les étudiants n'aiment guère s'exiler », assure-t-on à l'Ecole centrale d'électronique (ECE), qui oblige pourtant ses ouailles à partir au moins quelques semaines. Même politique à l'Efrei. Il est vrai que certains étudiants préfèrent accumuler les stages en France ou participer à des contrats de recherche pour être plus vite sur le marché du travail. Donc, les performances sur ce terrain sont faibles. En tête, l'Ecole européenne d'ingénieurs en génie des matériaux (EEIGM) de Nancy, dont 50 % des professeurs sont étrangers et 40 % des étudiants s'expatrient pour vingt mois en moyenne C. M.

© le point 15/02/07 - N°1796 - Page 97 - 1063 mots

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